La nuit des temps – René Barjavel – Presses Pocket – 1968 – 381 pages.
Résumé : Dans l’immense paysage gelé, les membres des Expéditions Polaires françaises font un relevé sous-glaciaire. Un incroyable phénomène se produit : les appareils sondeurs enregistrent un signal. Il y a un émetteur sous la glace… Que vont découvrir les savants et les techniciens venus du monde entier qui creusent la glace à la rencontre du mystère ? « La nuit des temps, » c’est à la fois un reportage, une épopée mêlant présent et futur, et un grand chant d’amour passionné. Traversant le drame universel comme un trait de feu, le destin d’Elea et de Païkan les emmène vers le grand mythe des amants légendaires.
Mon avis : Attention poids lourd de la littérature en approche. Dans ma PAL(P) il y a des incontournables que j’avais pour le moment contourné mais il arrive un moment où il faut revenir aux fondamentaux et reprendre par les bases. Ce jour est arrivé. De Barjavel je n’avais lu jusque là que « Ravage », ok ça date car c’était au siècle dernier… Il était donc temps lors de cette rentrée littéraire de lire une nouveauté de l’année… 1968. Les chefs d’œuvre c’est comme les bons vins, faut les laisser vieillir avant de les consommer. Allons donc voir s’il ne s’est pas madérisé.
J’avais déjà remarqué lors de ma précédente lecture que René Barjavel n’est pas du genre optimiste optimiste, connu pour ses romans d’anticipation qui expriment l’angoisse devant une technologie que l’homme ne maîtrise pas/plus. En refermant ses bouquins (du moins les 2 que j’ai désormais lu) je me suis dit que l’Homme (l’humain j’entends) est pourri jusqu’au trognon et qu’il serait préférable d’aller ouvrir une micro-brasserie au fin fond de la France et n’y voir plus personne. Pourquoi ? Pour boire des bières et oublier que l’Homme est pourri. Pourquoi micro ? Parce que sinon ça fait trop à boire et j’aime pas gaspiller. Mais je m’égare. Quoique… Car il est bien là le thème du livre – en plus de l’amour éternel qui uni Eléa et Païkan – les hommes et la société dans laquelle nous évoluons sont à jeter. La société de consommation, d’expansion, de conquête, telle que décrite ici nous renvoie l’image de ce que nous sommes : des insatisfaits en perpétuelle quête de plus. Plus d’argent, plus de biens, plus d’amis (virtuels ou non), plus de gloire, plus de « like », plus d’amour, plus de plus… Posséder plus ! Pourtant Eléa ne dit pas « Païkan est à moi » mais « Je suis à Païkan », la nuance est essentielle, primordiale !
Quand René passe l’ambiance trépasse… Je vais prendre un bol d’air et je reviens…
Me revoilà j’ai pris l’air, chargé de gaz carbonique, mangé un bout de poulet, génétiquement modifié, et j’ai vu plein d’amis, sur facebook : je me sens mieux. Je disais donc, ce livre l’est-il bien ou bien ? Ben bien, très bien même. Un livre à lire et sans doute à relire, à conseiller aux enfants en âge de le comprendre. Certes la narration est un peu datée mais très détaillée, précise, ciselée, rythmée. Il faut se remettre dans le contexte et essayer de lire cette histoire avec un oeil 50 ans en arrière. Il est nécessaire de se rappeler que les ordinateurs n’étaient qu’à leur balbutiement, l’auteur les décrit d’ailleurs plus évolués qu’ils ne le sont encore aujourd’hui. De plus, Barjavel fait de l’anticipation au passé, 900 000 ans plus tôt, quand les hommes étaient tellement plus évolués que nous mais toujours aussi cons, il faut appeler un chat un chat… Il eut donc été dommage de ne pas connaitre cette formidable histoire d’amour, de ne pas lire et comprendre la force des sentiments que rien n’emporte. Et puis enfin, le bouquet final, le dénouement, la conclusion, les dernières pages… où le happy end est définitivement un concept étranger à l’auteur.
Je suis heureux d’avoir enfin pris le temps de lire cette petite merveille de la littérature d’anticipation dépressive. Un petit chef d’œuvre. Je vais maintenant regarder Lagaf ou TF1 (ou les deux, c’est pas incompatible) pour me changer les idées… Ou plutôt, l’idée du siècle – autosatisfaction mode ON – je vais aller dormir un peu et me reposer car la nuit détend !
Citations : « Je suis entré et je t’ai vue. Et j’ai été saisi aussitôt par l’envie furieuse, mortelle, de chasser, de détruire tous ceux qui, là, derrière moi, derrière la porte, […] attendaient de savoir et de voir. Et qui allaient TE voir, comme je te voyais. Et pourtant, je voulais aussi qu’ils te voient. Je voulais que le monde entier sût combien tu étais, merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle. Te montrer à l’univers, le temps d’un éclair, puis m’enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l’éternité. »
« Mais ces soucis étaient pour demain, pour tout à l’heure. Vivre les malheurs d’avance, c’est les subir deux fois. Le moment présent était un moment de joie, il ne fallait pas l’empoisonner. »
« La merveilleuse, la totale innocence d’Eléa leur montrait à quel point la civilisation chrétienne avait – depuis saint Paul et non depuis le Christ – perverti en les condamnant les joies les plus belles que Dieu ait données à l’homme »
« Et voilà ! Ils sont là ! Ils sont nous ! Ils ont repeuplé le monde, et ils sont aussi cons qu’avant, et prêts à faire de nouveau sauter la baraque. C’est pas beau ça ? C’est l’homme ! »
Note : 5/5
Doy.