Don Quichotte de la Manche – Denis Leroux, Stéphane Douay – 2004 – Vent d’Ouest – 120 pages.
Résumé du site de l’éditeur : « Dans un village de la Manche dont je ne veux me rappeler le nom, vivait un homme ayant choisi de quitter le monde du travail pour jouir du silence de sa demeure. Un vieil héritage le lui avait permis. Malgré cela les trois quarts de ses revenus partaient dans son alimentation. Le reste allait aux factures, au salaire de sa bonne et au fourrage de sa vieille carne. Il passait l’essentiel de son temps à la lecture… Des lectures dites d’évasion, avec un goût prononcé pour les romans de chevalerie… Il y consacra d’abord ses journées, puis ses nuits… Dormir ne le concernait plus. A force son cerveau s’étiolait. Les histoires d’enchantements, de tournois, de batailles, d’amours et de tourments finissaient par devenir réels… Notre homme péta les plombs, si bien qu’un jour il eut une bien curieuse idée… Il alla annoncer à sa vieille jument qu’il l’a rebaptisait Rossinante, qu’il se faisait chevalier errant, qu’il partait à l’aventure sauver des pucelles en détresse et affronter leurs geôliers. A lui les dangers, les victoires et la gloire éternelle ! Il venait de se choisir un nom : il s’appelle maintenant Don Quichotte. »
Mon avis : J’ai lu cette bd en 2010 déjà (j’avais d’ailleurs fait ce post à l’époque, j’étais encore jeune et beau, oui enfin jeune quoi…), j’avais beaucoup aimé. Pourquoi la relire aujourd’hui alors que je ne manque pas de nouveautés qui n’ont pas encore été ouvertes ? Simplement parce que la citation mise en exergue dans mon post de Bojangles «J’avais rencontré une Don Quichotte en jupe et en bottes, qui, chaque matin, les yeux à peine ouverts et encore gonflés, sautait sur son canasson, frénétiquement lui tapait les flancs, pour partir au galop à l’assaut des ses lointains moulins quotidiens» a allumé une petite loupiote dans ma petite tête où tournent déjà des vélos dans tous les sens. Non ma tête n’est pourtant pas un vélodrome. J’avais déjà l’envie de lire les aventures de ce doux dingue mais je n’ai pas encore trouvé le courage de me taper les 1200 pages pour le moment. En revanche la bd traite le sujet de façon détournée, contemporaine pourrait-on dire. Alors entre deux romans en route pour les aventures de Don Quichotte dans le département de la Manche. A noter au passage pour ceux qui en douteraient que le bds ça permet aussi de se cultiver, mais oui, car j’ai appris (ou ré-appris puisque je l’avais déjà lu) que Dulcinée est la femme dont le seigneur Quichotte est éperdument amoureux. Je ne savais pas que ce terme devenu un nom commun était issu de ce roman incontournable que je contourne depuis trop longtemps.
Revenons aux deux mamelles de la bd, à savoir le scénario et le dessin : complémentaires pour que la réussite soit au rendez-vous.
Niveau scénario on ne présente plus les 2 protagonistes : Don Quichotte (à prononcer QuiRRRote) et Sancho. L’histoire suit visiblement la trame originelle (mais bon vous avez compris que je l’ai pas lu alors je peux pas trop faire le malin car comme dirait un de mes amis « qui fait le malin tombe dans le ravin », oui on n’est pas chez pivot ici mais plutôt au café des sport ou chez Francisque) mais se passe 4 siècles plus tard non pas dans la Mancha espagnole mais dans la Manche française. Les moulins à vents sont remplacés par des pylônes à haute tension pour vous donner une idée.
Et maintenant le trait. Pour faire simple j’aime beaucoup ! Le noir et blanc ajoute de la dramaturgie à l’histoire. Oui car Don Quichotte a beau être complètement ravagé du citron, ça ne fait pas toujours rire… J’étais d’ailleurs sur le point d’acheter une planche originale il y a quelques années et cette idée n’est pas abandonnée depuis la relecture. Le grand escogriffe est magnifiquement réalisé. Son corps long, ses traits étirés, la folie qui l’habite ressortent de chaque case. Les planches mêlant réalité et ses visions sont très réussies. Et que dire des dessins pleine page représentant les 2 héros sous forme de silhouettes ?
Vous l’aurez compris ce coté folie furieuse du personnage (lié au scénario initial) et l’adjonction d’une touche contemporaine m’a séduit. Je regrette au final que cette bd ne fasse que 120 pages et ne soit pas plus détaillées mais comment traiter une telle œuvre en si peu de planches ?
Enfin, d’après ce que j’ai lu sur le net il semblerait qu’une suite était prévue initialement mais que le contrat n’a pas été renouvelé entre les auteurs et l’éditeur Vent d’Ouest. Dommage. Sans doute n’a-t-elle pas trouvé ses lecteurs.
En spéciale guest vous aurez sans doute reconnu Corto Maltèse venu faire un coucou à son ami. Quelle solidarité dans la bd j’en reste sans voix.
Citations : «Vous m’avez fait grand tort en me chassant vers l’ouest, loin de votre beauté. Puissiez-vous ne jamais oublier ce cœur que vous avez conquis et qui endure mille morts par amour pour vous.»
«- Je suis Don Quichotte, et je tiens à ce que les gens de mon entourage en prenne note
– Mais ce nom n’est pas à vous…
– Il est à tous ceux qui le veulent, Maître François, et jusqu’à ce que mes exploits mettent un peu de couleur à mes armoiries et me fassent surnommer autrement, je n’en choisirai pas d’autre…»
Note : 4/5
Doy.