Philippe Richelle, Frédéric Rébéna – Rue de Sèvres – 2015 – 148 p.
Vous savez quoi ? Ben ça fait du bien de lire une BD entre deux romans. Ça se lit plus vite, ça permet de faire une pause, surtout lorsqu’on sort d’un bouquin dense par exemple. Non pas que la bande dessinée soit par définition légère, moins sérieuse que la « vraie » littérature. Ne parle t-on pas d’ailleurs de « littérature dessinée » à son sujet ?
Bon, il se trouve également que je suis bien placée pour en lire dans la mesure où je suis chargée d’en acheter dans le cadre de mon métier (si si, j’ai un vrai boulot dans la vraie vie !). Et comme pour bien conseiller il faut bien connaître – enfin ça, c’est mon point de vue – je n’ai donc aucun scrupule à parcourir les planches des albums que je reçois avant de les proposer aux lecteurs potentiels que je fréquente quotidiennement (vous voyez mieux ce que je fais dans le monde réel maintenant ? Non ? Toujours pas ? Z’êtes pas très perspicaces les amis…).
Bref, comme d’habitude je m’égare… Donc cette semaine, après avoir ramené « Bojangles » du boulot à mon cher et tendre, je me suis dit que j’allais embarquer pour moi « Mitterrand : un jeune homme de droite » que j’avais repéré en faisant mes fameux achats dans une revue critique sur les sorties BD. Il faut dire que, au vu de mon grand âge, j’ai de nombreux souvenirs d’enfance ou de jeunesse avec ce personnage phare de la Vème République : ma maman exultant dans la cuisine de notre appartement à l’annonce des résultats, au soir de son élection à la Présidence de la République, le 21 mai 1981 ; les débats télévisés et leurs lots de phrases assassines, telles que celle assénée à Jacques Chirac dans la campagne de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 1988 (Jacques Chirac : « Ce soir, vous n’êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité (…), vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand ». Réponse de François Mitterrand, sourire aux lèvres : « Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre ») ; jusqu’à l’annonce de son décès en janvier 1996 alors que j’étais étudiante à Sciences Po (je me sentais doublement – du fait de ces souvenirs et de mon orientation universitaire – particulièrement touchée par sa disparition).
J’étais donc curieuse de voir comment les années de jeunesse de François Mitterrand seraient traitées en BD, alors que son parcours et son engagement politiques ont déjà fait l’objet de nombreux ouvrages qui reviennent tous sur son évolution radicale : de son adhésion précoce à une droite catholique traditionnelle, voire nationaliste, à sa conversion à la gauche sociale. Eh bien je dois dire que, de mon point de vue, Philippe Richelle et Frédéric Rébéna s’en sont plutôt bien sortis. Car retracer en un peu moins de 150 planches la période allant de 1935 à 1945, au cours de laquelle François Mitterrand – encore jeune (19-29 ans) – fait déjà preuve d’une autorité naturelle, d’un sens des responsabilités aigu et d’une vision affirmée de la société qu’il souhaite participer à construire ou reconstruire, n’était pas un pari simple à relever. Le découpage chronologique et le rythme de l’histoire se tiennent parfaitement. Et le lecteur, y compris non averti, est tout à fait en capacité de suivre l’évolution de cet engagement, qui finalement n’est pas aussi incohérent qu’il n’y paraît. D’ailleurs, les auteurs font dire au jeune Mitterrand, en réponse à l’un de ses camarades qui s’étonne d’un changement de discours : « De toute façon, je revendique le droit de changer d’avis ». Sur le plan graphique, le côté crayonné et le noir et blanc conviennent bien à l’objectif des auteurs de retracer une période sombre de la vie de Mitterrand, avec en toile de fond la montée de l’extrême-droite des années 30 et l’entrée en guerre de la France puis la collaboration.
Bref, j’ai bien aimé cette BD. Malgré tout, je pense qu’elle s’adresse plutôt à un public mature, déjà au fait de l’histoire mitterrandienne.
Note 4/5
Shifue.