Le Ventre de l’Atlantique

ventre-atlantiqueFatou DIOME – Le Livre de poche – DL 2005, 4ème édition 2009 – 255 p.

C’est étrange comme, parfois, il peut se produire des revirements de situations inattendus. C’est ce qui s’est produit me concernant avec, notamment, la lecture de ce roman. Je m’en vais vous expliquer pourquoi ici…
Publié il y a plus de 10 ans déjà, je me souviens l’avoir acheté à l’époque par obligation car j’étais cliente d’une société de vente de livres sur abonnement dont je tairai le nom (non, non, vous n’arriverez pas à me soutirer plus d’informations… je vous vois venir !) et que je ne voulais en aucun cas recevoir la fameuse « sélection du trimestre » pour avoir dépassé la date limite d’achat (probablement un roman régionaliste – je n’ai rien contre le genre, mais ce n’est pas mon genre… – ou une méthode d’apprentissage simple et rapide du point de croix). J’avais même dû, à cette occasion, me redire pour la énième fois qu’il fallait vraiment que je me désabonne à ce système d’achat de livres forcé, auquel j’avais toutefois adhéré volontairement et non sous la contrainte. Bref, pour cette fois du moins, je m’étais mise dedans toute seule. Mais la paresse avait dû l’emporter et j’en avais repris pour plusieurs années encore. Je vous rassure néanmoins, tout arrive, puisque j’ai fini un jour par rendre ma carte en chantonnant comme Elsa : « Libérée, délivrée… » (je fais référence ici à la « Reine des neiges » et non pas à la célèbre chanteuse des 80’s, connue notamment pour le tube « T’en va pas »… Enfin, pour ceux qui s’en souviennent encore…).
Bref, revenons-en à ce qui nous occupe ici à savoir « Le Ventre de l’Atlantique ». Perso, je n’ai pas de PALP comme mon cher mari. Tout du moins pas officiellement, car je dois reconnaître qu’avant de porter mon choix sur le roman de Fatou Diome j’avais sorti de notre bibliothèque 4 autres romans avant de me décider à l’ouvrir. Romans que j’ai par ailleurs gardés sous le coude, ou plutôt déposés négligemment sur une table basse en attente de lecture… (ou bien encore par flemme de devoir les reclasser sur nos étagères, qui sait ?). Donc, ok, certes, quelque part j’ai un peu moi aussi une PALP, mais qui n’est pas aussi PALPable que celle de Doy (aïe… moi aussi je crois que je vais devoir sortir… si ça continue, il ne restera plus personne pour animer ce blog, au secours !). Dans la mesure où, me connaissant, toute PALP risque d’être à géométrie variable en fonction de mes humeurs ou capacités de concentration du moment.
Bref, pour en revenir à la genèse du pourquoi du choix de ce roman, elle est plutôt à rechercher dans le fait que je traîne ce livre depuis des années et que je me suis enfin décidée à l’ouvrir en me souvenant que, si je l’avais acheté à l’époque, c’était certainement parce que je m’étais dit que l’histoire pourrait me plaire. Et pourtant, il n’aura pas échappé à ceux qui suivent, en voyant la photo de couverture et les références bibliographiques, que je l’ai lu dans une autre édition que celle que j’avais achetée dans les circonstances que je viens de vous narrer. La raison en est que nous avons avec Doy un certain nombre de doublons dans notre bibliothèque (goûts communs mis en commun) et que nous sommes parfois pris d’amnésie lorsque nous achetons sur des brocs des livres à la pelle, sans avoir encore aujourd’hui trouvé le moyen totalement sûr et efficace de vérifier que nous ne les possédons pas déjà… Enfin, mon cher et tendre est sur une piste sérieuse, hé hé.
Je me rends compte une fois de plus que j’écris, j’écris, mais n’en viens toujours pas à l’essentiel : mon sentiment sur ce roman. Allez, jetons-nous à l’eau… J’écrivais en entame de ce post « revirements de situations » à bon escient à propos de ce livre (forcément, puisque c’est moi qui l’ai écrit, hi hi…), car le caractère positif de l’accueil que je lui réserve une fois refermé n’était pas acquis d’avance. J’ai eu en effet un mal fou à « entrer dedans » comme on dit, et ce tout au long des deux premiers tiers du livre, pas moins. Fort heureusement, ce n’était pas « A la recherche du temps perdu » – rapport au nombre de pages qu’il m’aurait ainsi fallu engloutir avant d’espérer enfin entrevoir le début d’un soupçon d’intérêt – même si je dois vous avouer que la lecture de l’oeuvre proustienne me tente de plus en plus… (eh oui, j’ai honte mais je ne l’ai jamais commencée, fermeture de la parenthèse).
Pourquoi donc cette difficulté à accrocher au récit à la première personne de Salie, Sénégalaise exilée en France, de son (demi)-frère Madické, qui rêve de la rejoindre pour poursuivre une carrière de footballeur à l’image de son idole Maldini et des habitants de la petite île de Niodior ? Je ne saurais au final répondre précisément à cette question car le roman comporte du rythme, les personnages sont hauts en couleurs, les dialogues bien ciselés etc etc. Peut-être du fait justement d’un sentiment de foisonnement – beaucoup de protagonistes qui apparaissent, disparaissent, réapparaissent… et d’anecdotes qui ne suivent pas un ordre chronologique – qui m’a un peu donné le tournis. J’ai donc parfois eu du mal à suivre et j’ai regretté également de ne pas en savoir plus sur tel ou tel personnage, à peine survolé.
C’est dans le dernier tiers, donc, que j’ai vraiment réussi à me prendre à la lecture. Lorsque Salie se met à évoquer sa condition d’étrangère dans son propre pays à la faveur d’un séjour dans son village natal pour revoir famille et amis. Lorsqu’elle – à moins que ce ne soit Fatou Diome, car on sent bien qu’entre les lignes c’est l’auteur qui s’exprime et non son double de papier ? – évoque le sort des immigrés en France, leur difficulté à s’intégrer, à décrocher un emploi décent. De même que l’aveuglement de ceux restés au pays qui pensent que les exilés sont forcément devenus riches, du simple fait qu’ils ont réussi à fouler le sol d’un pays où l’abondance le dispute à l’opulence… Et qui donc les envient et rêvent de faire de même : émigrer à leur tour. Ces pages là sont réellement émouvantes, comme l’est l’incompréhension croissante entre Madické et Salie, celui-ci n’acceptant pas le fait que sa sœur cherche autant à le dissuader d’émigrer alors qu’elle-même l’a fait des années auparavant. Seul le lecteur est dans la confidence et sait qu’elle n’avait alors pas le choix, car être une femme en Afrique, c’est forcément baisser l’échine devant le poids des coutumes et des traditions, et de cela, Salie n’en voulait pas. Voilà pourquoi j’ai refermé ce roman sur une note positive, et pourquoi je vous en recommande la lecture, même si ce n’est pas une nouveauté en cette rentrée littéraire.

Pour achever de vous convaincre, je vous livre ces quelques citations particulièrement fortes (et je rends ici à Doy ce qui est à Doy, puisque dans ses nouveaux posts il a inauguré cette pratique que je trouve fort intéressante) :
« Pourtant, revenir équivaut pour moi à partir. Je vais chez moi comme on va à l’étranger, car je suis devenue l’autre pour ceux que je continue à appeler les miens. »
« Evoquer mon manque de France sur ma terre natale serait considéré comme une trahison, je devais porter cette mélancolie comme on porte un enfant illégitime, en silence et avec contrition. Enracinée partout, exilée tout le temps, je suis chez moi là où l’Afrique et l’Europe perdent leur orgueil et se contentent de s’additionner (…) »
« L’ailleurs m’attire car, vierge de mon histoire, il ne me juge pas sur la base des erreurs du destin, mais en fonction de ce que j’ai choisi d’être ; il est pour moi gage de liberté, d’autodétermination. Partir, c’est avoir tous les courages pour aller accoucher de soi-même, naître de soi étant la plus légitime des naissances. »         

Note 4/5

Shifue.

C’est la rentrée…

lecturesete2016blogAu risque de sembler opportuniste, mais sans vouloir aucunement voler la vedette à mon cher et tendre Doy qui a initié le premier son retour sur notre modeste blog, j’ai souhaité lui emboîter le pas sans trop tarder. Voilà donc, c’est chose faite !
Il sait à quel point et pour quelles raisons je suis heureuse de le voir « de retour » ici. Non pas que j’attendais qu’il le fasse, campée en mode boudeur genre « s’il n’y va pas, je n’y vais pas non plus », pour ensuite moi-même faire mon come-back l’air de rien. Je peux avoir parfois ce travers, qui veut que je me fais un point d’honneur à m’en tenir à des principes qui ne valent bien sûr que pour moi… Mais non, que nenni, ce blog a toujours été un espace de liberté pour nous deux, donc il n’y a pas de raisons que ça change ! La raison principale de cette absence, comme Doy l’a si bien expliqué, tient essentiellement aux nombreuses et/ou belles choses qui se sont passées durant ces longs mois et qui dans un sens, fort logiquement, font que l’on ne peut pas en même temps « être au four et au moulin ».
Petite digression, déjà – oui, je sais, je suis un peu spécialiste du genre, je connais mes défauts, mais je travaille à les corriger, si, si, je ne mens pas… – au sujet de l’emploi de proverbes : j’avais inauguré une catégorie d’articles sur notre blog, intitulée « Citations » et baptisée aussi « Isabellades », en référence à ma chef de l’époque qui, bien qu’ayant fait les « meilleures études » du monde (je vous laisse mettre entre les guillemets la discipline qui vous siéra le plus, en l’occurrence pour mon ex-chef il s’agissait d’études littéraires…) maniait – et manie sans doute toujours, mais aujourd’hui je ne suis plus en capacité de le vérifier – la langue française avec parfois une approximation certaine. Tout ça pour dire, donc, que je compte bien alimenter cette catégorie à nouveau en reprenant l’écriture d’articles de ce type même si, comme je viens de le dire, ma principale source s’est tarie depuis. Il va falloir que je fasse oeuvre de perspicacité pour trouver dans mon entourage, professionnel ou non, d’autres fournisseurs officiels d’expressions « mal-t’-à-propos » si je veux pérenniser cette catégorie. Malheureusement, mon nouveau chef est beaucoup moins porté sur l’approximation. Damned !
L’envie qui me titille en revenant ici est au fond la même que mon mari adoré (eh oui, encore une belle chose intervenue au cours de cette période d’abstinence…) : laisser une trace, avant tout pour moi et pour lui – oui, je sais, c’est pas beau de se faire passer en premier, mais là il s’agit aussi de mémoire personnelle, et notamment de garder le souvenir de mes propres lectures, petite tête de moineau que je suis, surtout en ce moment. Car, l’âge aidant, les impressions ont tendance à s’effacer aussitôt le livre refermé. Et ce afin, ensuite, de les partager (avec lui bien sûr et avant tout, mais ça nous le faisons aussi en dehors de ce blog, heureusement) avec vous autres qui nous suivez, et je vous en remercie très sincèrement… Snif, vous me tireriez presque une larme…
Donc à mon tour de vous parler de mes lectures de l’été qui apparaissent sur la photo (je vous demande par avance de m’excuser pour la qualité douteuse de celle-ci, prise pourtant avec soin grâce à un objet hautement technologique siglé d’un logo fruité, qui s’avère une fois instagramisée particulièrement pourrie. Non, pas la pomme, la photo ! Vous suivez vraiment pas, hein !?! Oups… J’ai dit une connerie ?…). A ce propos, deux remarques en forme là encore de digression, désolée. La première : il manque sur cette photo un roman de Murakami que j’ai bel et bien lu cet été et sur lequel je reviendrai plus bas. La raison est qu’après quelques recherches, certes rapides, je ne l’ai pas retrouvé sur nos étagères de bibliothèque. Donc, mon chéri, nos prochains aménagements deviennent plus que nécessaires, ça se confirme… La seconde : Doy a beau dire : « c’est pas moi le plus intelligent de nous deux », « tu lis beaucoup plus que moi », etc etc…, eh bien j’ai maintenant la preuve qu’il aura lu cet été plus que moi, et ça, ça me fait plaisir ! En ce qui concerne l’intelligence… « Non, pas taper » : c’est comme ça que tu dis ?
Mais je m’aperçois que ce que je viens d’écrire est déjà bien long et qu’en continuant ainsi je risque de vous ennuyer et de vous faire rebrousser chemin. Je vais donc tenter l’impossible pour moi, qui parfois ne sait pas couper court lorsqu’il le faudrait, en n’écrivant que quelques lignes sur chacun des six romans lus en 1 mois et demi d’un temps à la fois long et court… Mais je m’égare là…
Les heures silencieuses de Gaëlle Josse, tout d’abord. Roman prêté par une copine – à qui je dois d’ailleurs le rendre… – dont le titre est particulièrement bien porté : lu en 2-3 heures, aussi silencieuses donc que le veut son titre, un jour que je préfère oublier. Ce roman restera néanmoins dans mon souvenir un très beau portrait de femme, éprise de liberté malgré les convenances et les raideurs de la haute bourgeoisie hollandaise du XVII ème siècle à laquelle elle appartient. Un destin à la fois bouleversant et empreint de courage et d’abnégation. J’en recommande la lecture !
Les amants du Spoutnik d’Haruki Murakami. L’un de mes auteurs préférés, et ça ne date pas d’aujourd’hui puisque j’en parlais déjà dans ma présentation il y a six ans, preuve que je ne mens jamais, hé hé ! Une histoire d’amour triangulaire, donc impossible, comme Murakami en a le secret. Tout cela dans un espace-temps teinté d’étrange, d’onirisme, où le vrai et le faux, le réel et l’irréel, se mêlent sans cesse. Beaucoup aimé, m’a fait oublier les déceptions ressenties à propos de deux de ses romans les plus récents, sur lesquels je n’ai d’ailleurs pas posté : 1Q84 et L’Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage.
Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljénitsyne. En l’occurrence, ça s’appelle une séance de rattrapage, ce genre de lecture ! Un incontournable de la littérature classique contemporaine. Une écriture poignante pour une histoire dure et bouleversante : celle de Choukov, bagnard dans un camp de travail de l’ex-Empire soviétique, que l’on suit tout au long d’une interminable journée. L’homme est-il encore un homme dans de telles circonstances ? Que lui reste t-il lorsqu’il n’a plus d’autre espoir, à l’issue d’une journée de travail éreintante dans le froid sibérien, que de manger au dîner une ration de « soupe » supplémentaire, chèrement gagnée parce qu’il a fini avec le temps par comprendre comment fonctionne le système entre détenus ? Un roman « philosophique » qui interroge sur le sens de la vie, l’honneur, l’humanité.
Mon très cher amour de Françoise Giroud. Un bon moment de lecture, une écriture fluide qui ne lâche pas son lecteur en l’amenant là où elle veut, jusqu’à cette chute à laquelle il est difficile de s’attendre. L’histoire d’un amour dont on sait dès le départ qu’il ne se terminera pas en happy end. Nous avons acheté récemment sur une broc On ne peut pas être heureux tout le temps, que je lirai sans doute prochainement.
Questions à mon père d’Eric Fottorino. Un beau livre, autobiographique, sur la relation entre un fils et son « père ». Père biologique en réalité, longtemps nié et rejeté par ce fils qui croyait qu’il les avait abandonnés, sa mère et lui. Un père qu’il s’est longtemps interdit d’aimer, notamment du fait de la présence de son autre père, le « vrai », celui qui lui a donné son nom et l’a reconnu. Il découvrira avec le temps, alors que la maladie est installée, qu’elle menace de les séparer à nouveau et de rompre le dialogue enfin restauré, que la vie n’a pas toujours souri à cet homme, notamment du fait de ses origines juives. Une belle histoire d’amour filial.
Les évaporés de Thomas B. Reverdy. Last but not least, le dernier livre lu, refermé pas plus tard qu’aujourd’hui.  L’un des vendeurs de la broc précédemment évoquée – sur laquelle nous avons fait une véritable razzia sur les bouquins pour une somme totalement dérisoire : environ 30 pour autant d’euros ou à peine plus… – nous en avait dit beaucoup de bien. Et je confirme. Ce roman-fiction – l’auteur explique dans une postface qu’il s’est inspiré de faits réels, durant un séjour au Japon, et met en scène un poète qui existe bel et bien et porte le même nom que l’un des personnages – est écrit d’une belle plume. L’histoire mêle les destins de quatre personnages qui, peu après la catastrophe de Fukushima, sont en quête : un détective privé américain et celle qu’il aime encore, une Japonaise, à la recherche du père de celle-ci – un « évaporé », comme la société japonaise nomme ceux qui, du jour au lendemain, quittent tout sans espoir de retour, car l’honneur ainsi perdu leur interdit de réintégrer leur ancienne vie ; l’évaporé en question, à la recherche de la vérité ; un adolescent, à la recherche de ses parents après le tsunami. La fin m’a particulièrement plu. Un auteur que je compte suivre…

Et me voilà arrivée au terme de ce premier post de retour sur notre blog. Je vous dis à très bientôt donc, puisque comme mon amoureux vous l’a dit, plus on lit, plus on a envie de lire, alors… Et ça marche aussi pour plein d’autres choses, et pas que la bière, na !     


 

Kafka

David Zane Mairowitz, Robert Crumb – Actes sud (BD) – 2007 – 171 pages

En matière de bande dessinée, les biographies se suivent et ne se ressemblent pas. Ou, pour être plus juste, sont plus ou moins à mon goût. Ici, à la différence de Nietzche, j’ai vraiment accroché dès les premières pages en dépit d’un style de dessin vraiment très particulier – celui de Crumb – et un genre – la biographie – qui ne compte pas a priori parmi mes lectures de prédilection.
On peut vraiment parler ici de biographie, car la vie et l’oeuvre de Kafka sont largement détaillées et commentées, ce qui rend la compréhension de l’homme et de ses écrits aisée y compris pour ceux qui ne les connaîtraient pas. Et même plus : en ce qui me concerne, ayant lu Kafka assez jeune et l’ayant apprécié, j’ai fait des découvertes en lisant ce livre. Notamment les relations conflictuelles que Kafka entretenait avec son père ou encore son rapport aux femmes et à la sexualité, qui permettent de mieux comprendre comment se comportent les personnages principaux de ses romans et nouvelles.
Le dessin de Crumb enrichit indéniablement le propos du biographe. Le trait noir et sombre. Les visages des personnages, appuyés, à la limite de la caricature. Le côté fouillis, presque brouillon de certaines planches, fourmillantes de détails. Tout cela contribue à créer un univers qui sied parfaitement à Kafka. C’est à mon sens la grande force de cet album – j’écris album et pourtant je ne le considère pas réellement comme une BD en tant que telle – que de donner à voir et à comprendre, grâce au dessin et au texte mêlés. Une vraie réussite !    

Note : 5/5.

Shifue

Trois femmes puissantes

Marie NDiaye – Gallimard – 2009 – 317 pages

C’est un roman dense, riche, profond, puissant comme ses héroïnes que Marie NDiaye a écrit ici. Il traite de la dureté et de la misère de la condition de trois femmes, Norah, Fanta et Khady Demba qui, chacune à sa manière, doit faire face à un sort qui semble s’acharner avec plus ou moins de véhémence. Ce sont des bribes de leur vie que le lecteur est invité à découvrir, et dont il perçoit petit à petit de quelle manière elles s’imbriquent entre elles, comme les pièces d’un puzzle. Ces trois vies, apparemment sans lien les unes avec les autres, sont néanmoins intimement liées par la difficulté d’être.
Norah revient en Afrique après de nombreuses années à la demande de son père, un homme tyrannique, implacable, autoritaire. Elle ne sait pas pourquoi il l’a faite venir, et va découvrir l’impensable. La vie de Fanta, entrevue au milieu des divagations de son mari, est celle d’une jeune femme
brillante, partie de rien et devenue professeur de lettres dans son pays d’origine, qui arrivée en France retrouve le néant après avoir essuyé un refus définitif d’enseigner. Quant à Khady Demba… Si ces trois existences possèdent une force tragique, le récit de la vie de Khady Demba est sans doute le plus poignant des trois, celui qui m’a le plus touchée. En ce qui concerne la forme, j’ai trouvé que la lecture de ce roman n’était pas très aisée et demandait de la concentration, nécessaire pour prendre toute la mesure du récit (trois vies, trois chapitres, trois histoires qui peuvent se lire indépendamment). Mais les phrases-fleuves de Marie NDiaye ne sont pas là par hasard. Son style participe en effet de la puissance du récit, de sa densité.  Peut-être faut-il lire ce livre lentement, ou y revenir, pour mieux le comprendre ? Bref, ce roman ne peut laisser indifférent son lecteur. Et en ce qui me concerne, il m’aura interpellée en tant que femme, occidentale, à qui la vie a jusqu’à présent plutôt souri…

Note : 4/5

Shifue.