Xavier Bétaucourt, Jean-Luc Loyer – Futuropolis – 2016 – 128 p.
J’avais repéré cet album à sa sortie car sa couverture rouge avait attiré mon œil, et puis avec Futuropolis on est rarement déçu(e). J’aime bien aussi la BD « d’investigation », j’entends par là les albums qui traitent d’un sujet de société façon enquête journalistique. Je pense notamment à deux d’entre eux, lus et particulièrement aimés : Saison brune de Philippe Squarzoni, très fort et extrêmement bien documenté, sur les effets du réchauffement climatique ; et Cher pays de notre enfance de Benoît Collombat et Etienne Davodeau – également chez Futuropolis – qui revient sur les années noires de la Vème République et les agissements du SAC (Service d’Action Civique).
Le grand A, quant à lui, a pour thème la grande distribution. Le A étant l’initiale de l’enseigne bien réelle dans laquelle les auteurs ont été reçus pour mener leur enquête. Enfin reçus plus précisément par le directeur de l’hypermarché de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais, l’un des plus anciens du groupe, dont les auteurs disent qu’il leur « a ouvert les portes de son magasin sans restriction et sans contrôle ». Voilà donc le lecteur immergé dès le départ dans les coulisses du plus grand hypermarché de France. On peut donc s’attendre à en apprendre de belles sur les méthodes de la grande distribution, qui font régulièrement l’objet d’ailleurs de reportages de journalistes.
Seulement voilà, ça part un peu dans tous les sens, et notamment du fait d’allers-retours entre passé et présent : on suit des personnages qui ont été témoins, adolescents, de l’ouverture du magasin au début des années 70 ; mais également le directeur du magasin, qui évoque des anecdotes anciennes ou récentes avec, on le sent, pas mal de fierté. La transition entre ces différentes périodes pourrait parfois être incompréhensible si les auteurs n’avaient pas joué sur la couleur des planches, lesquelles changent pour marquer ces ruptures temporelles.
Je regretterais également un certain manque de distance des auteurs par rapport à leur sujet : je m’attendais très sincèrement à plus de recul et de critique vis-à-vis de la grande distribution, et de son poids écrasant sur l’économie locale et nationale. Voire même sur l’influence qu’elle a sur la sphère politique, laquelle ne peut véritablement lui imposer ses lois. Mais, et j’écris cela en toute franchise, je n’ai peut-être pas su saisir cette prise de distance des auteurs, à qui l’on doit tout de même reconnaître le courage d’avoir osé montrer l’envers du décor de ces temples de la consommation. Car on se doute bien que ses concurrents ne font pas mieux que le grand A, et que les conditions de travail des salariés ou les pratiques commerciales de cette enseigne – notamment vis-à-vis des petits producteurs qui les approvisionnent – ne sont pas meilleures ailleurs.
Pour conclure, comme vous l’aurez peut-être compris de vous-même, je n’ai pas trop accroché en lisant cette BD. Je crois que le dessin lui aussi ne m’a pas totalement convaincue. Mais je vous laisse vous faire votre propre opinion, et vous incite tout de même à découvrir cet album, en bibliothèque ou en librairie.
Note : 3/5
Shifue.